Jack : quand le son crée du collectif et redéfinit notre écoute du langage

Une dramaturgie sonore 

Artiste pluridisciplinaire, Goerger conçoit des performances et installations nourries de poésie sonore, s’éloignant des structures dramaturgiques classiques pour se rapprocher de la composition musicale et chorégraphique. Dans Jack, l’histoire ne se raconte pas par les mots, mais par un paysage sonore mouvant où voix, rythmes et vibrations sculptent la narration. Pour cette création, il s’entoure de Lisa Harder, Antoine Cegarra et Antoine Pesle, artistes-performeur·euses dont la pratique entretient un lien profond avec la musique. À leurs côtés, Cosmic Neman ne se contente pas d’accompagner l’action : il façonne une écoute collective, une immersion qui dépasse le simple accompagnement musical.

Une expérience sonore qui fait vibrer le collectif

L’espace scénique, d’abord frontal et brut, semble peu propice à l’immersion. Mais très vite, le son s’impose. Il envahit, structure. Chaque respiration, chaque geste devient matière musicale, tissant une partition vivante qui englobe scène et salle. Cosmic Neman ne joue pas seulement des morceaux : il sculpte la texture du son, superpose nappes et dissonances, façonne des échos qui se déforment et s’étirent. Ce qui commence comme une introspection – chacun enfermé dans sa bulle musicale – se mue progressivement en un espace de partage. Les sons s’appellent, s’entrechoquent, se fondent. Peu à peu, un dialogue naît sans mots, une vibration commune qui relie spectateur·ices et performeur·euses.

Jack, de Halory Goerger au Théâtre de l'Aquarium
©Pauline Gouablin

Quand le bruit engloutit le langage… ou le réinvente

Mais Jack ne se limite pas à magnifier la puissance émotionnelle de la musique. Il interroge la tension entre le son et la parole. Peu à peu, les dialogues s’effacent sous l’épaisseur du bruit, jusqu’à ce moment troublant où le langage vacille, aspiré par l’univers sonore. Ce brouillage ne crée pas de confusion : il impose une écoute différente. Les mots ne disparaissent pas, ils se métamorphosent, absorbés par le son, dilués dans le rythme. Dans ce flottement, l’attention du spectateur se déplace. Le langage devient un corps qui se débat dans un océan de vibrations.

Après la tempête sonore, le silence comme révélation

Jack, de Halory Goerger au Théâtre de l'Aquarium
©Pauline Gouablin

Et puis soudain, le silence. Après la tempête sonore, la voix nue de Lisa Harder s’élève, dépouillée de tout artifice. Une respiration suspendue. Après l’écho et le tumulte, Jack nous ramène à l’essence du théâtre : une voix, un corps, une présence. « Un silence bruissant de sens qui rend notre gorge plus lourde, plus humaine », écrivait Jean-Louis Chrétien.

Jack n’est pas seulement une pièce sur la musique. C’est une traversée sensorielle et existentielle où le son devient matière vivante, où chaque vibration est une émotion et le silence, une révélation. Un vertige sonore où l’écoute devient immersion, jusqu’à l’engloutissement.

JACK
Conception et mise en scène – Halory Goerger
Direction musicale – Cosmic Neman
Interprètes – Antoine Cegarra, Lisa Harder, Antoine Pesle, Cosmic Neman
Régie son – Marion Camy-Palou
Régie lumière – Xavier Leysens
Régie générale et logistique – Halory Goerger
Assistante de production et assistante artistique – Alice Merer
Administration de production et gestion de la compagnie – Sarah Calvez
Musique originale – Cosmic Neman
Sélection musicale – Cosmic Neman, Halory Goerger
Le Bruit rose : paroles – Halory Goerger / musique -Halory Goerger, Lisa Harder

Vu le 12 février 2025 au Théâtre de l’Aquarium dans le cadre du Festival BRUIT.

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